Eléments clés et enjeux du marché carbone européen

Au moment où les grandes industries européennes clôturent leur demande d’obtention de quotas pour la prochaine période quinquennale 2021 – 2025, il est intéressant de se pencher sur la pertinence et le futur du marché carbone européen.

Contexte

Pour mémoire, le marché carbone européen, plus connu sous le nom ETS (Emission Trading Scheme) regroupe 11.000 installations industrielles, centrales électriques comprises, ainsi que l’aviation.
Les installations fixes couvrent +/- 45 % des émissions totales européennes de gaz à effet de serre.
Pour atteindre ses objectifs de – 40 % à l’horizon 2030 en termes de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, l’Europe impose à ces « installations ETS » de réduire leurs émissions de 43 % en 2030 par rapport à 2005.

Chaque année, les installations soumises à l’ETS doivent restituer des quotas correspondant à leurs émissions annuelles. Pour ce faire, elles peuvent puiser dans l’allocation gratuite qu’elles reçoivent de l’Europe et se tourner vers le marché si leurs émissions sont supérieures à leur allocation.

Etat des lieux

L’Institute for Climate Economics I4CE vient de publier une analyse du fonctionnement de l’EU ETS combinée à une mise une évidence des principaux défis à relever.

Que faut-il en retenir?

Evolution 2013 – 2018 des émissions

Depuis 2013, les émissions liées à la combustion d’énergie fossile, essentiellement les émissions liées à la production d’électricité, ont baissé de 3,6 % / an en moyenne, alors que les émissions « industrielles » (raffinage, acier, ciment, chimie et autres) sont restées quasiment stables (- 0,1 %).

Evolution relative des émissions

L’intensité carbone, ou l’émission de CO2 par unité de production, est en baisse dans tous les secteurs (- 25 % depuis 2005 pour la production d’électricité, – 23 % pour la production de papier, – 3 % pour la production de clicher gris, …)

Objectifs 2020 et 2030

Pour atteindre son objectif d’une réduction de – 20 % des émissions à l’horizon 2020, l’Europe a fixé un objectif de – 21 % pour les installations ETS, ce qui correspond à un taux annuel de réduction des émissions EU ETS de 1,74 %.
Cet objectif est atteint depuis 2017, année à l’issue de laquelle les émissions avaient baissé de 26,4 % par rapport à 2005.
Tenant compte de l’objectif plus ambitieux pour 2030, le taux de réduction annuel (LRF / Linear Reduction Factor) a été porté à 2,2 % à partir de 2021.

Nombre de quotas en circulation

En 2018, le surplus de quotas serait de 1.655 millions de quotas, soit l’équivalent environ d’une année d’émissions.
Ce niveau est relativement stable depuis 2015, suite à l’instauration de deux mesures: le backloading, ou le report de 5 ans de la mise aux enchères de 900 millions de quotas, et la création de la réserve de stabilité du marché (MSR) en janvier 2019.

Quotas gratuits

Depuis 2013, les centrales électriques ne reçoivent plus de quotas gratuits; elles doivent donc se tourner totalement vers le marché carbone. Les industries continuent de recevoir des quotas gratuits mais dans une proportion de plus en plus en faible. En 2018, les quotas gratuits n’ont couvert que 96,5 % des émissions réelles.
Soulignons que cette conclusion est globale, et que la situation réelle diffère très fort d’un secteur à l’autre et d’une entreprise à l’autre.

Emissions liées à l’électricité

La réduction des émissions liées à la production d’électricité découle jusqu’à présent majoritairement du déploiement des énergies renouvelables. La situation pourrait changer à l’avenir sachant que le prix de la tonne de CO2 sur le marché carbone dépasse depuis fin 2017 le prix de « switch » du charbon vers le gaz naturel.

Technologies bas carbone

Le prix du carbone est en forte progression depuis début 2018.
Son niveau actuel (27 €) est toutefois trop faible pour permettre le déploiement à grande échelle de technologies bas carbone actuellement en phase de développement.

Evolution du prix du carbone

Certaines prévisions annoncent un prix supérieur à 30 € dès 2021.

Revenu des enchères

Les revenus des enchères pour l’ensemble des pays européens ont dépassé les 14 milliards € en 2018; ceux-ci sont évidemment en forte hausse suite à l’augmentation du prix du quota.
Entre 2013 et 2017, la majorité (80 %) de ces revenus a été utilisée pour le climat et l’énergie.

Fonctionnement du marché carbone

En 2018, le marché a gagné en liquidité, mais est devenu également plus volatil, ce qui n’est pas un bon signal pour les industriels qui souhaitent réaliser des investissements bas carbone.

Quel futur?

Différents éléments vont influencer le fonctionnement du système. Epinglons notamment:

  • les nouvelles règles d’allocation pour la phase IV (révision à la baisse des benchmarks, diminution du nombre de secteurs considérés comme exposés à la fuite carbone, allocation dynamique en fonction de l’activité, …)
  • les politiques européennes et nationales pour l’efficacité énergétique et pour les énergies renouvelables à l’horizon 2030
  • les plans de sortie nationaux du charbon
  • le fonctionnement de la Réserve de Stabilité de Marché
  • les objectifs climat européens pour 2050

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